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CoBelCo vous propose deux textes relativement aux crimes racistes récemment survenus en Belgique. Le premier est de Patrick Cloos, le second est de Didier de Lannoy.

15.05.2006

La Belgique face à son racisme

Le racisme a une histoire ancienne ; il s’agit d’un phénomène structurel et interpersonnel qui entraîne des conséquences aussi bien collectives qu’individuelles. La Belgique est, comme le reste de l’Europe, culturellement empreinte de racisme. Ce jeune, par le meurtre qu’il a commis dans les rues d’Anvers le jeudi 11 mai 2006, nous l’a froidement rappelé.

Si l’Europe se targue d’avoir été le berceau des Lumières et de la raison, elle fut aussi  celui du colonialisme moderne, et (continue à être celui) de l’idéologie raciste qui l’a accompagné et justifié auprès de ses populations. Le colonialisme belge n’a pas échappé à la règle qui a vu – comme le suggéraient Fanon et Memmi – colonialistes et colonisés unis dans une relation à la fois racialisée et hiérarchisée, et ce, à l’avantage du premier qui ne prétendait pas reconnaître le second. Depuis lors, l’«Autre» - le «Noir» ou l’«Arabe», sujets réifiés, épidermalisés, racialisés - représentent encore aujourd’hui, consciemment ou inconsciemment chez beaucoup de Belges, le danger, l’infériorité, la haine voire même l’animalité. Il faut combattre ces images inhumaines, essentialistes, et grotesques. Il faut absolument décoloniser les imaginaires.

Malgré les beaux projets universels démocratiques de la société belge, il semble que le chemin vers la tolérance soit encore long si on en croit la popularité de l’extrême droite. Il est pourtant primordial que les Belges se reconnaissent dans toute la diversité qui caractérise son histoire et son profil socio-démographique, passé, présent et futur. La Belgique est une véritable mosaïque, hétérogène dans son fond et dans sa forme. Les Belges purs ne sont pas plus réalité que les Belges impurs. Et s’il fallait se rappeler des origines lointaines des Belges, rappelons tout de même que le voyage se terminerait quelque part, dans une région que l’on nomme actuellement l’Afrique.

Zwartsusterstraat, par Didier de Lannoy

Le week-end avant.

Un Belge rasta et un Français « d’origine africaine » (toujours dans le coma) ont été tabassés à Bruges par une bande de skinheads.

- Oui, mais ils ne sont pas morts !

La veille.

A Anvers, le mercredi 10 mai 2006, le corps de Mohammed Bouazza a été

- Oui, mais il ne savait pas nager !

retrouvé dans l’Escaut. On n’avait plus de ses nouvelles depuis dix jours, après une « dispute »

- Oui, mais il voulait rentrer dans la boîte !

devant une discothèque. Harcelé

- Oui, mais il voulait draguer nos soeurs !

et poursuivi par plusieurs personnes, il aurait été embarqué dans une voiture de police avant de disparaître.

Le jour même.

Le crâne rasé et de longs cheveux dans la nuque, un pantalon de camouflage et des combat-shoes, une longue veste de cuir noir, Hans Van Themsche bouscule les passants, brandit une arme et la braque sur une femme, assise

- Oui, mais elle portait le voile !

sur un banc public, au Pottenburg, et qui lit un livre au soleil et

- Oui, mais un livre écrit par qui, dans quelle langue et pour quel public ?

lui tire dessus, par derrière, et

- Oui, mais elle me tournait le dos !

la blesse grièvement à la poitrine et

continue sa route, dans le Schipperskwartier, à quelques pas de la Grand-Place d’Anvers, le jeudi 11 mai 2006, peu avant midi (il fait très beau ce jour-là et tout le monde se promène dans les rues), et abat une baby-sitter

- Oui, mais elle était Noire !

enceinte et

- Oui, mais elle allait accoucher d’un enfant noir !

la petite fille blanche de

- Oui, mais elle avait de mauvaises fréquentations !

deux ans et demi dont une famille de

- Oui, mais ce sont sûrement des collabos ! des gens qui, d'ailleurs, portent un drôle de nom !

commerçants ou de restaurateurs lui avait confié la garde.

Hans Van Themsche ne manifestait pas de signe d’ébriété, ne portait pas de tatouages apparents, n’avait pas de casier judiciaire et

- Oui, mais je suis Blanc !

n’avait aucun lien avec les victimes.

Quatre jours après.

Le « fait divers » d’Anvers ne figure plus parmi les titres du Journal Télévisé de la RTBF du lundi 15 mai 2006 à la mi-journée

- Oui, mais ce n’est plus d’actualité !