"Peut-on exposer des Pygmées ?", Le Soir en ligne du 27 juillet 2002
Polémique
JEAN-PHILIPPE PETIT
©Rossel et cie
Jusqu'où peut-on aller au nom de l'aide humanitaire ? La question n'est
pas neuve, mais elle se pose à nouveau. Pas au sein des grandes organisations
internationales, mais tout simplement à Yvoir, dans un beau coin de nature
appelé le domaine de Champalle.
C'est là que, depuis le début du mois de juillet, sont installés
des Pygmées de l'ethnie baka, originaires du Cameroun. Ils ont reconstitué
un de leurs villages et ils exécutent des chants et des danses pour les
touristes qui avaient l'habitude de venir là, les autres années,
pour visiter une exposition de papillons exotiques.
Maintenant, ce sont des Pygmées qu'on expose, dénoncent en substance
les porte-parole du Mouvement des nouveaux migrants (MNM), qui regroupe une
série d'associations de personnes issues de l'immigration. Ils appellent
à une manifestation à Yvoir, ce samedi matin. Pour eux, l'initiative
n'a rien d'humanitaire. Elle rappelle trop les expositions tristement célèbres
des Noirs au jardin zoologique de Paris au début du XIXe siècle
ou celle de 1879 en Belgique.
Le mouvement interpelle les autorités belges et camerounaises, pour qu'elles
mettent fin à cette opération et organisent le retour, dans des
conditions dignes, des Pygmées chez eux.
Sur place, on ne s'émeut pas vraiment de cette contestation. Louis Raets,
gestionnaire du domaine touristique de Champalle et promoteur de la venue des
Pygmées en Belgique, voit même là une façon de faire
parler de son opération qui n'a pas rencontré le succès
escompté jusqu'ici et des difficultés que vivent les Pygmées
en Afrique. Notre but, en les faisant venir ici, était de permettre aux
gens de se rendre compte du complet dénuement des Pygmées dans
leur pays. D'où l'idée de reconstituer un village. Et je ne vois
pas ce qu'il y a d'indigne à demander aux Pygmées de chanter et
de danser devant les visiteurs, puisque c'est leur culture. Et puis, c'est une
façon de remercier ceux qui ont payé leur entrée, de leur
contribution au projet humanitaire que je veux mener là-bas avec une
association camerounaise.
On ne présente aux visiteurs que des clichés, rétorque
le MNM. Des Pygmées qui vivent dans des huttes délabrées
et qui passent leur journée à danser et à chanter. Nous
pensons qu'il y a moyen de leur venir en aide autrement. Et il est urgent de
mettre fin à cette exposition pour éviter que d'autres recommencent
cela ailleurs.
Le mouvement a alerté le bureau de Namur du Centre pour l'égalité
des chances, qui a enregistré la plainte et va l'examiner incessamment.
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